19.12.2023
Dès le début des années 90, des réseaux de neurones artificiels, première trace d’intelligence artificielle, apparaissent dans certains processus de développement de lanceurs Ariane. Ces modèles mathématiques, inspirés par le fonctionnement du cerveau humain, sont particulièrement puissants pour effectuer rapidement des tâches répétitives, chronophages ou complexes.
Chez ArianeGroup, une discipline entièrement dédiée à l’IA a fait son apparition en 2018, organisée en quatre branches. L’apprentissage automatique (en anglais « machine learning »), qui exploite l’ensemble des données à disposition pour valoriser au maximum l’immense expérience d’ArianeGroup dans les lanceurs spatiaux. La gestion des connaissances, popularisée par les modèles de langages comme ChatGPT, qui facilite la collecte, la structuration et le partage de connaissances pour améliorer la performance organisationnelle. Les systèmes multi-agents, centrés sur les interactions entre plusieurs IA. Et enfin la recherche opérationnelle, qui propose de nouvelles stratégies, parfois contre-intuitives, pour résoudre des problèmes clairement identifiés. Quatre branches pour une multitude d’applications visant à assister au mieux les ingénieurs dans leur travail quotidien.
Un assistant sur-mesure pour les ingénieurs
Pour développer des outils spécialisés tout en respectant les hauts standards de fiabilité et de qualité d’ArianeGroup, les ingénieurs ont recours à des algorithmes en sources ouvertes qu’ils spécialisent pour construire des solutions adaptées à chaque domaine d’activité. Chaque implémentation est validée par des experts métiers qui s’assurent que l’algorithme respecte non seulement les normes de sécurité applicables aux lanceurs spatiaux, mais aussi, lorsqu’applicables, les lois fondamentales de la physique. C’est cette exigence qui permet d’obtenir un véritable assistant au contrôle de données, capable d’avoir une vue d’ensemble sur celles-ci et de faire remonter les informations utiles beaucoup plus rapidement que le cerveau humain.
« La valeur ajoutée restera toujours nos ingénieurs. Notre objectif est de rendre leur travail plus efficace et de leur permettre de passer plus de temps sur des sujets à forte valeur ajoutée, en réduisant leur implication sur des tâches chronophages. » Romain Bourrier
Traitement et analyse de grandes quantités de données, précision accrue, apprentissage continu, automatisation, le recours à l’IA est un véritable progrès. Mais il a ses limites. L’IA intervient comme un assistant et n’a aucun pouvoir décisionnel. Elle se « contente » d’analyser d’énormes quantités de données, de faire remonter des anomalies, et l’ingénieur se charge de la prise de décision, car son expertise reste clé. En assistant de la sorte les ingénieurs dans leurs tâches quotidiennes, l’IA leur dégage du temps pour se consacrer à des activités à forte valeur ajoutée et libère leur potentiel créatif au profit de nouveaux projets.
Exemples d’applications
Aujourd’hui l’IA peut jouer un rôle dans toutes les phases de vie des produits. Sur les lignes de production par exemple, elle permet d’améliorer la robustesse des pièces en détectant les moindres anomalies. Un moyen efficace d’intervenir le plus rapidement possible en reprenant la pièce défectueuse et donc d’économiser un temps précieux. Économiser du temps, c’est aussi l’objectif des IA couplées aux simulateurs pour la conception des lanceurs. Très rapides, elles permettent de générer des modèles prédictifs de comportement, via par exemple des calculs aérodynamiques ou de propagation de vibrations dans le lanceur. Un autre aspect à ne surtout pas négliger est celui du traitement, de l’analyse et de la production de la documentation, largement accélérés et facilités par les modèles de langages.
Cette nouvelle dynamique autour de l’IA s’accompagne d’un changement culturel qu’il faut soutenir par la mise en place de formations, pour mieux comprendre, s’approprier et perfectionner les outils existants. Les ingénieurs d’ArianeGroup doivent être capables d’identifier où l’IA peut les aider et où ils doivent garder la main. Il faudra notamment attendre encore quelques années pour qu’une IA embarquée sur un lanceur soit capable de détecter des pannes et de prendre elle-même ses décisions, bien que l’idée soit déjà à l’étude via le projet européen ENLIGHTEN (European iNitiative for Low cost, Innovative & Green High Thrust ENgine). Porté par ArianeGroup pour le compte de la Commission Européenne, ENLIGHTEN vise à accélérer le développement de technologies clés comme l’intelligence artificielle pour le suivi de fonctionnement (monitoring) et la maintenance des futurs moteurs de fusées réutilisables. A suivre…